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L’authentification des sculptures en pierre

jeudi 20 avril 2023

Pour authentifier les objets en pierre, les laboratoires CIRAM observent le passage du temps et l’altération des matériaux. Nos scientifiques parviennent à une étude approfondie grâce à une stratégie analytique efficace.

Avant tout, il est important de savoir que les œuvres d’art doivent être étudiées au regard d’une cohérence entre matériaux constitutifs et attribution chronologique. Les résultats d’aspects historiques et stylistiques devront être discutés par les historiens, les historiens de l’art et les experts d’art. Dans ce contexte, les scientifiques de CIRAM étudient les propriétés physico-chimiques des matériaux afin de rechercher des marqueurs chronologiques.

Pour l’étude des objets d’art, le premier type de marqueurs, et le plus évident, est la recherche de traces du passage du temps. Pour les matériaux organiques (le bois, les textiles, l’ivoire et le papier, etc.), les laboratoires CIRAM privilégient la datation carbone 14. Cependant, pour les statues en pierre, il n’existe pas de méthode de datation directe permettant de caractériser l’usage par l’homme de ces matériaux.

Les étapes de l’étude des objets en pierre

Pour étudier les sculptures en pierre, les laboratoires CIRAM ont mis en place un protocole analytique permettant de rechercher des marqueurs chronologiques relatifs ainsi que des marqueurs techniques significatifs. Découvrez les deux grandes étapes d’analyse des laboratoires CIRAM.

Première étape : l’identification de la roche

La première étape est fondamentale, car elle conditionne le choix des techniques d’analyse à venir. Les techniques diffèrent :

  • Pour le grès, le calcaire et le marbre : ces matériaux ont une forte propension à l’altération, l’étude sur microsection fournira un indicateur binaire par rapport à leur ancienneté. Logiquement, un objet sculpté anciennement sera fortement altéré, alors qu’un objet moderne sera encore en bon état.
  • Les roches magmatiques (granites ou diorites par exemple) : ces matières ne s’altèrent que peu, il n’est donc pas nécessaire d’enquêter sur la pénétration de l’altération avec un prélèvement. Nos scientifiques étudient alors la surface avec des analyses peu intrusives. Nous récupérons seulement une très faible quantité de matière à la surface à l’aide de répliques des surfaces.

Rappelons tout de même que s’il est parfois possible de déterminer la provenance géographique de la roche, cela ne constitue pas à elle seule un indice formel d’authenticité.

Deuxième étape : l’investigation au niveau de la surface d’un objet

L’investigation débute avec l’examen des traces d’outils. Ces traces constituent des marqueurs techniques du façonnage de l’objet et des techniques de polissage utilisées. Parfois, nous constatons la présence de fragments microscopiques de copeaux des outils utilisés.

Cette première approche permet de vérifier la cohérence entre ce qu’observent les scientifiques et la connaissance que l’on a des savoir-faire anciens.

Il est possible d’étudier d’éventuelles traces de polychromie afin de comparer les pigments repérés avec ceux utilisés à l’époque présumée de l’objet. Des résidus de sédiments d’enfouissement sont parfois présents à la surface de l’objet.

Plus spécifiquement, nos scientifiques recherchent des traces de traitements chimiques afin de détecter une recréation artificielle de la patine dans le but de simuler un vieillissement de la pierre. La présence de traces chimiques produit par la réaction d’acides forts avec la pierre permet de déceler des traitements de surface modernes.

Les répliques de surfaces donnent des informations sur l’altération de la roche. Il est possible de repérer des dissolutions, des fissurations ou des amorphisations. Nous pouvons aussi déceler la présence de recristallisation d’oxydes de fer et de manganèse, ainsi que le développement de micro-organismes.

Pour compléter notre investigation, nous étudions également les dépôts superficiels et leur interpénétration avec la roche. Cela permet de vérifier que les dépôts correspondent à des sédiments d’enfouissement, qui témoignent d’une lente interaction avec l’objet ou à l’inverse d’un traitement chimique moderne.

Interprétation des résultats

Les investigations de surface fournissent des éléments de diagnostic et permettent de vérifier si les indicateurs observés sont compatibles, ou non, avec l’époque présumée de l’objet.

Il est important de noter que les méthodes d’investigation citées plus haut ont leurs limites :

  • La présence de copeaux d’outils modernes ou de traces de polissage mécanique ne détermine la falsification pas de façon catégorique, car il peut s’agir de traces de nettoyage ou de restauration ;
  • L’absence d’altération de la roche peut s’expliquer de plusieurs manières. L’objet est effectivement moderne ou l’objet est ancien, mais a été conservé dans un environnement stable et peu agressif (comme une tombe scellée par exemple). À noter tout de même que la présence de fluor est un indicateur indiscutable de falsification dans le but de créer une patine artificielle. De plus, l’acide fluorhydrique (HF) est un produit très corrosif et dangereux dont la détention est réglementée.

Important : il est souvent plus simple de démontrer qu’un objet est faux, que de prouver son authenticité, car la moindre incohérence par rapport au contexte présumé suffit pour induire un doute raisonnable. À l’inverse, ne pas détecter une incohérence n’atteste pas de l’authenticité de l’objet en pierre.

La micro-analyse pour les objets en pierre

La micro-analyse reste méconnue, car elle ne fournit pas d’indicateurs chronologiques directs, comme la datation carbone 14 par exemple. Cependant, cette technique est l’outil le plus adapté à la discrimination entre faux et authentique, notamment pour les roches et les métaux qui ne se prêtent pas aux méthodes de datation directe.

Il est important de combiner toutes les informations pour la quête d’authenticité d’un objet en pierre.